Face à la montée des risques psychosociaux, le ministère du Travail et des Solidarités renforce son appel à la prévention du suicide au travail. Une nouvelle fiche d’information, publiée en septembre 2025, rappelle les obligations légales des employeurs et les bonnes pratiques à adopter pour protéger la santé mentale des salariés.
Un rappel ferme des obligations légales en matière de santé au travail
Le ministère du Travail et des Solidarités a publié, le 9 septembre 2025 (mis à jour le 15 septembre 2025), une fiche d’information visant à rappeler avec fermeté les obligations légales des employeurs en matière de prévention des risques psychosociaux (RPS).
L’administration réaffirme que la prévention du suicide au travail constitue désormais un objectif prioritaire de la politique publique de santé au travail. Les employeurs, de même que les représentants du personnel, sont invités à renforcer leur vigilance face aux signaux de mal-être pouvant conduire à des passages à l’acte.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte particulièrement sensible, marqué par la médiatisation de l’affaire France Télécom, dont les dirigeants ont été condamnés pour harcèlement moral institutionnel. Dans un arrêt du 21 janvier 2025 (n° 22-87.145), la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser la portée de cette notion.
La Cour énonce ainsi que : « constituent des agissements entrant dans les prévisions de l’article 222-33-2 du code pénal, dans sa version issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, et susceptibles de caractériser une situation de harcèlement moral institutionnel, les comportements consistant à arrêter et à mettre en œuvre, en connaissance de cause, une politique d’entreprise ayant pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés afin d’obtenir une réduction des effectifs ou d’atteindre tout autre objectif, qu’il soit managérial, économique ou financier, ou ayant pour effet une telle dégradation, de nature à porter atteinte aux droits et à la dignité des salariés, à altérer leur santé physique ou mentale, ou à compromettre leur avenir professionnel ».
L’obligation de sécurité : un devoir général et permanent de l’employeur
Le ministère du Travail rappelle qu’en application de l’article L. 4121-1 du Code du travail, l’employeur est tenu d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de l’ensemble de ses salariés. Cette obligation de sécurité, qui revêt un caractère général et permanent, impose à l’employeur de mettre en œuvre des mesures concrètes, comprenant notamment :
- Des actions de prévention des risques professionnels ;
- Des actions d’information et de formation appropriées au bénéfice des travailleurs ;
- Ainsi qu’une adaptation de l’organisation du travail en fonction des risques identifiés.
Le ministère souligne par ailleurs l’importance d’une évaluation rigoureuse et continue des risques psychosociaux, considérée comme un levier central de la prévention. Ces risques se regroupent en six grandes catégories : surcharge ou sous-charge de travail, exigences émotionnelles, manque d’autonomie, dégradation des relations sociales, conflits de valeurs et insécurité socio-économique.
La prévention du suicide au travail suppose une approche globale, combinant actions collectives et accompagnement individuel. Le ministère rappelle également l’existence d’une formation de « secourisme en santé mentale », proposée par l’association PSSM-France, destinée à toute personne souhaitant acquérir les réflexes nécessaires pour identifier et orienter les travailleurs en souffrance.
Comment réagir face à un suicide au travail : les étapes à suivre
Lorsqu’un suicide survient au sein de l’entreprise, l’employeur doit intervenir immédiatement pour protéger les salariés et respecter ses obligations légales. Il doit :
- Prévenir les secours et sécuriser les lieux ;
- Informer la famille et proposer un accompagnement psychologique ;
- Alerter le service de prévention et de santé au travail ;
- Si l’événement a eu lieu sur le temps et le lieu de travail, il doit être déclaré dans les 48 heures à la CPAM comme accident du travail ;
- Si le travailleur est décédé, l’employeur doit en informer immédiatement l’inspection du travail et au plus tard dans les douze heures ;
- Conserver toutes les informations utiles pour l’enquête de la CPAM ;
- Organiser un soutien collectif (cellule d’écoute, psychologues, aménagement temporaire du travail…) ;
- Favoriser la parole et la reconnaissance de l’événement au sein des équipes ;
- Identifier les causes et facteurs contributifs pour prévenir de nouveaux passages à l’acte suicidaire.
Enquêtes et responsabilités : tirer les leçons d’un drame pour prévenir les suivants
Plusieurs enquêtes peuvent être déclenchées à la suite d’un suicide au travail :
- Une enquête pénale, pour déterminer les circonstances du décès ;
- Une enquête de l’inspection du travail, visant à identifier d’éventuelles infractions au Code du travail ;
- Une enquête de la CPAM, pour la reconnaissance de l’accident professionnel ;
- Une analyse de la Carsat ou de la Cramif, destinée à identifier les facteurs de risque et à recommander des mesures préventives.
En publiant cette fiche, le ministère du Travail veut affirmer clairement que le suicide au travail peut être évité. Autrement dit, il ne s’agit pas d’un phénomène naturel ou imprévisible, mais d’un événement résultant de causes identifiables et donc susceptibles d’être prévenues. Il résulte souvent de défaillances organisationnelles, d’une pression excessive ou d’un manque de dialogue social. Prévenir ces drames, c’est non seulement respecter la loi, mais aussi affirmer une responsabilité éthique et humaine à l’égard des salariés. La santé mentale au travail doit être envisagée comme un pilier à part entière de la performance durable de l’entreprise.
Source : Fiche d’information du ministère du Travail et des Solidarités du 9 septembre 2025 (https://travail-emploi.gouv.fr/la-prevention-du-suicide-au-travail) ; Arrêt 21 janvier 2025 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, Pourvoi n° 22-87.145 (https://www.courdecassation.fr/decision/678f6a5a29d9a5b0535ebb19)