La mise en demeure de la France par la Commission européenne​ sur les congés payés

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La Cour de cassation a opéré un revirement majeur en matière de congés payés. Par un arrêt du 10 septembre 2025, elle aligne désormais la jurisprudence française sur le droit européen : un salarié tombé malade pendant ses congés conserve le droit de reporter les jours non pris. Cette décision met fin à une divergence de longue date entre le droit français et la directive européenne sur le temps de travail, tout en soulevant de nouvelles questions pratiques pour les employeurs.

La mise en demeure de la France par la Commission européenne

Le 10 septembre 2025 (arrêt n°23-22.732), la Cour de cassation corrige les manquements relevés par la Commission européenne sur le respect de la directive européenne 2003/88/CE relative au temps de travail.

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Pour rappel, dans une information publiée le 18 juin 2025 sur son site internet, la Commission européenne a informé le grand public de la mise en demeure de la France pour manquement aux règles de l’UE sur le temps de travail (directive 2003/88/CE). « La Commission estime que la législation française ne garantit pas que les travailleurs qui tombent malades pendant leur congé annuel puissent récupérer ultérieurement les jours de congé annuel qui ont coïncidé avec leur maladie. La Commission considère que la législation française n’est donc pas conforme à la directive sur le temps de travail et ne garantit pas la santé et la sécurité des travailleurs ».

Une jurisprudence française désormais conforme au droit de l’Union européenne

En application de l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 4 décembre 1996, n°93.44-907, lorsqu’un salarié tombait malade durant ses congés payés, il ne disposait pas en principe, en l’absence de dispositions conventionnelles plus favorables, du droit de reporter ultérieurement les jours de congés non utilisés en raison de l’arrêt de travail pour maladie. Dans cette situation, l’employeur était réputé avoir satisfait à son obligation d’octroi des congés.

La Cour de cassation change de position et s’aligne sur le droit de l’UE. Le salarié malade pendant ses congés peut désormais reporter ses jours non pris. Selon la Haute juridiction, un salarié malade pendant ses congés ne peut être considéré comme ayant effectivement bénéficié d’un véritable repos, la maladie faisant obstacle à la finalité même des congés payés. Toutefois, pour pouvoir prétendre au report de ces jours, le salarié doit informer son employeur de la survenance de son arrêt de travail pour maladie.

Des zones d’ombre sur la mise en œuvre pratique du report des congés

La Cour de cassation n’apporte, à ce jour, aucune précision quant aux modalités pratiques de notification de l’arrêt de travail, ni quant au délai à respecter. Plusieurs interrogations demeurent dès lors en suspens, et par exemple :

  • Délai de transmission : quel délai doit être observé par le salarié pour informer son employeur et lui adresser le volet n°3 de l’arrêt de travail ?

 

  • Report des congés payés : quelles sont les modalités applicables en la matière ? Sur ce point, le ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles a précisé, dans une mise à jour en date du 17 septembre 2025 de la fiche sur les congés payés, que « dès lors que des jours de congés payés, ayant coïncidé avec un arrêt maladie, font l’objet d’un report, les règles relatives au report des congés payés dans un contexte de maladie devront être respectées et l’employeur devra observer la procédure d’information du salarié » ;

 

  • Prescription de l’action du salarié : une jurisprudence étant de nature rétroactive la solution retenue s’applique donc rétroactivement aux situations passées et par conséquent se pose alors la question de la prescription et du point de départ de l’action ouverte au salarié : est-ce le droit commun qui s’applique (prescription triennale de l’article L.3245-1 du code du travail) ? ;

 

  • Régularisation des situations passées : « le salarié malade pendant ses congés aurait dû percevoir, en plus des IJSS, le complément de salaire patronal (non perçu sauf dispositions conventionnelles plus favorables) et non pas l’indemnité de congé payé. Si les congés payés sont reportés, l’employeur devra-t-il indemniser une seconde fois les congés sur le fondement du maintien de salaire ? Ou bien pourra-t-il demander la compensation entre les indemnités versées ou agir en répétition de l’indemnité de congé versée ? ».

Source : Arrêt du 10 septembre 2025, n°23-22.732 la chambre sociale de la Cour de cassation (Décision – Congé payé et arret maladie.pdf)

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